Yamina Benguigui : La Wonder-Woman du gouvernement Hollande
Yamina Benguigui fait partie de ces femmes qui en imposent.
Elle est belle, elle a du talent, ses fictions sont un succès, c’est une femme d’action, de tête et de cœur qui malgré ses hautes fonctions reste une amie fidèle et chaleureuse.
Réalisatrice de talent, artiste engagée qui interroge la mémoire des immigrés, qui ose parler des discriminations et de la richesse de la diversité, féministe convaincue, toujours présente aux côtés de Paroles de femmes, notamment dans notre combat contre la précarité des familles monoparentales, elle est cette voix qui interpelle la société sur des sujets longtemps restés tabous.
Il n’est pas étonnant que cette artiste à la forte personnalité ait choisi de s’engager en politique, une façon de faire avancer ses combats autrement.
Ministre aujourd’hui de la francophonie, elle trouve toujours le moyen de mettre l’accent sur ces sujets qui lui sont chers : Les femmes victimes de viols, le droit humain et la solidarité.
C’est avec convivialité que Yamina Benguigui nous a reçues au Ministère afin de nous parler de sa nouvelle fonction, de ses actions et de ses espoirs.
1) Vous avez un passé de réalisatrice de documentaires très forts comme « Mémoires d’immigrés », vous avez toujours milité pour le droit des femmes, la diversité…Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de passer de votre statut d’artiste à une carrière politique ?
Depuis plus de dix-huit ans mon métier c’est de faire des films. Le cinéma m’a prêté une identité, celle de réalisatrice sans pour autant négliger celle que j’étais, fille d’immigrés.. Mon travail a été de mettre en images la composante de la société française issue de l’immigration en France et de questionner une société muette sur les problèmes liés à son enracinement. Que ce soit avec
mes documentaires ou mes fictions (Le Voile et la République, Le plafond de verre, 93, Aicha…) j’ai animé de nombreux débats en France, en Europe et dans le monde : sur le triptyque « immigration de travail, logement social et territoire ».Mon objectif principal a été de tenter d’ouvrir la parole sur toutes ces questions.
Pendant toutes ces années, je n’ai eu de cesse d’interpeller les politiques afin qu’ils prennent le relais C’est cet engagement républicain qui m’a amenée à l’action politique, d’abord comme élue sur les listes de Bertrand Delanoê, dans le 20ème arrondissement, depuis 2001, puis comme adjointe à la Mairie de Paris où j’ai eu la fierté de conduire la première délégation en charge des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations, à partir de 2008.
C’est cette action que je poursuis aujourd’hui, comme Ministre de la Francophonie auprès de François Hollande et Jean Marc Ayraut.
2. Aujourd’hui vous êtes Ministre de la Francophonie, en quoi consiste exactement votre action au sein du gouvernement ?
Mon action au sein de l’espace francophone est fidèle à l’engagement du gouvernement :
- Consolider les systèmes éducatifs notamment en Afrique en formant 100 000 professeurs de français ;
- Soutenir la création culturelle et la formation des professionnels des médias et de l’audiovisuel ;
- Faciliter la mobilité des étudiants, des chercheurs et des artistes dans l’espace francophone;
- Mobiliser la diplomatie française pour adopter une charte internationale sur le multilinguisme dans l’éducation ;
- Organiser, avec le soutien de l’OIF, d’ONU Femmes et de l’UNESCO, le premier Forum mondial des femmes francophones ;
- Oeuvrer à développer une diplomatie économique francophone ;
- Organiser le deuxième Forum mondial de la langue française ;
- Promouvoir la francophonie en France, notamment dans les territoires en souffrance, où le français s’est souvent arrêté aux portes des périphériques des grandes villes.
3. Avec votre voyage à Kinshasa, vous avez mis l’accent sur l’aide aux femmes victimes de viol et vis-à-vis des enfants qui vivent dans une grande précarité, quel constat global avez-vous fait de ce voyage ?
Aujourd’hui, en RDC sévit le M23, un groupe de rebelles armés qui a consciemment planifié comme arme de guerre, l’utilisation des violences sexuelles contre les femmes : enlevées dans leurs villages, elles sont violées, torturées, mutilées, leurs enfants sont enrôlés de force comme enfants soldats.
Une campagne de terreur s’abat sur « le lieu le plus dangereux du monde pour les femmes » comme le déplore Ban Ki Moon. Je me suis rendue à Goma au camp de déplacés de Kanyaruchinya où les populations, qui sont en majorité des femmes et des enfants, s’entassent dans un camp où se mêlent choléra et insalubrité.
J’ai apporté une aide humanitaire à l’hôpital Heal Africa qui prend en charge les victimes de violences sexuelles et les enfants séropositifs ainsi qu’au Programme alimentaire mondial pour l’achat immédiat de 1000 tonnes de céréales et au HCR pour une somme de deux millions d’euros.
Je veux rendre visible ce conflit qui extermine les femmes et interpeller la communauté internationale, car il est urgent que des résolutions soient prises pour protéger les femmes dans les conflits armés
4. Vous travaillez sur un projet de « Forum Mondial des Femmes Francophones », pensez-vous que les femmes doivent prendre le pouvoir, crée de la solidarité afin de faire changer les choses au sein de nos sociétés ?
Ce Forum verra le jour en 2013 et réunira près de 500 femmes francophones venus du monde entier. Des thématiques liées à l’espace francophone seront abordées :
- régression des droits des femmes, avec les conséquences du printemps arabe (Tunisie, Maroc, etc.)
- premières victimes des conflits armés (Mali, Sahel, RDC, NordKivu) ;
- formation dans le domaine de la santé : sages-femmes, éducation pour lutter contre les mutilations sexuelles, car aujourd’hui ce sont des femmes qui excisent.
- formation dans le domaine de la nutrition
- participation des femmes au développement économique des pays de l’espace francophone.
Michelle Bachelet d’ONU Femmes et Irina Bokova de l’UNESCO seront partenaires.
5) En tant qu’artiste, pensez-vous que l’Art sous toutes ses formes soit un bon outil pour promouvoir la francophonie ?
L’art sous toutes ces formes, littérature, peinture, cinéma est un formidable vivier de talents qui s’expriment au cœur de l’espace francophone .Nous avons le devoir de préserver, de faire circuler et de faire connaître ces œuvres et leurs auteurs.
6) Vous une féministe engagée, vous avez beaucoup soutenu paroles de femmes, quelles sont les choses à mettre en place de façon urgente en France en matière de droits des femmes ?
Le statut des femmes est un baromètre implacable de l’état d’avancement d’une société. En France, les femmes ont conquis par un siècle de luttes et d’engagement politique un statut d’égalité qui leur permet aujourd’hui d’être des citoyennes à part entière.
Et, pourtant, depuis des décennies, des femmes, des mères, vivent dans l’antichambre de la France..Ces acquis, et ces lois ne sont pas arrivés dans les quartiers sur toute une composante de femmes françaises issue de l’immigration.
Ce qu’il faut mettre d’urgence en place, c’est écouter la parole des mères de ces quartiers, leur redonner cette autorité dont elles ont été privées par la politique des grands frères. J’ai écrit un manifeste à ce sujet, sur ces « oubliées de l’histoire » sur la nécessité de les entendre, car elles sont les clés de l’accès à la citoyenneté et au mieux vivre ensemble de leurs enfants.
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